Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/285

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Alcmène

Quelle voix a frappé mon oreille tremblante ? qui me commande ainsi de sécher mes pleurs ? Ah ! je vois, je vois ; tu as vaincu la mort, ô mon fils ! et tu reviens à moi des rivages du Styx. Pour la seconde fois, tu as brisé la puissance du destin ; pour la seconde fois, tu as triomphé de la nuit infernale, et du sombre fleuve où glisse la barque des morts. Seul, tu peux librement passer et repasser les eaux stagnantes de l’Achéron ; et le destin n’a point d’empire sur toi, même après ta mort.

Mais peut-être que le roi des enfers t’en a fermé l’entrée, craignant pour son trône et pour lui-même. Certainement je t’ai vu étendu sur un bûcher ardent, et tout environné de flammes furieuses qui montaient vers le ciel. Certainement je t’ai vu brûler : mais l’enfer n’a pu retenir ton ombre. Dis-moi ce qui en toi a effrayé les Mânes : ton ombre seule aura jeté l’épouvante dans le cœur de Pluton.

Hercule

Je ne suis point enfermé dans les flots paresseux du Cocyte gémissant ; la triste barque n’a point passé mon ombre : cessez vos plaintes, ô ma mère ! Je n’ai vu qu’une fois le séjour des Mânes. Tout ce que vous aviez mis en moi de parties mortelles s’est dissipé dans les flammes que j’ai supportées avec tant de courage : le feu a pris ce qui était de vous, le ciel a reçu ce qui était de mon père. Séchez donc vos pleurs, car on n’en doit qu’aux lâches : le deuil est pour les hommes sans gloire ; le