Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/309

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ennemie victorieuse veut envahir ma couche ; elle me poursuit de sa haine acharnée, et pour prix de son adultère elle veut obtenir de mon tyran la tête de sa légitime épouse. Sors de la tombe, ô mon père ! et viens au secours de ta fille qui t’implore, ou du moins entrouvre les profondeurs du Styx, afin que je m’y précipite.

LA NOURRICE.

Vous invoquez en vain l’ombre de votre père, malheureuse princesse ; comment lui resterait-il quelque sentiment pour sa famille dans les enfers, lui qui a pu préférer à son propre fils un enfant étranger, et, allumant les flambeaux d’un hymen détestable, prendre pour épouse la fille de son propre frère ? Ce fut là l’origine de tous les crimes, de tous les meurtres, de toutes les perfidies, de l’ambition, de la soif du sang que nous avons vus depuis. Le gendre de Claude fut immolé le jour même de l’hymen de son beau-père ; on craignait qu’il ne devînt trop puissant par cette alliance. O crime épouvantable ! la tête de Silanus fut sacrifiée au caprice d’une femme ; et, condamné sous un vain prétexte, il souilla de son sang le palais des Césars. Dans cette famille devenue la conquête d’une marâtre, on vit, hélas ! entrer un prince cruel, le gendre et le fils de Claude, jeune homme à l’âme féroce, capable de tous les crimes ; son odieuse mère alluma pour lui le flambeau de l’hymen, et vous força par la terreur de l’accepter pour époux : devenue plus hardie par ce grand succès, elle osa rêver l’empire du monde. Qui pourrait dignement raconter les attentats divers, les espérances coupables, et les perfides caresses de cette