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OCTAVIE.

Elle le sera bientôt, et qui plus est, mère.

LA NOURRICE.

Les jeunes hommes portent dans l’amour toute la fougue de leur âge ; mais ils se calment bien vite, et leurs passions criminelles se dissipent comme une légère vapeur. Mais l’amour qu’inspire une épouse légitime dure éternellement. Celle qui la première osa souiller votre couche, cette esclave qui posséda long-temps le cœur de votre époux, tremble déjà pour elle-même ; soumise et humiliée, elle redoute son heureuse rivale, et dresse des monumens qui sont un aveu de ses alarmes. Et cette dernière aussi est à la veille d’être abandonnée par le dieu trompeur et léger qui préside aux amours ; l’éclat de sa beauté, la grandeur de ses richesses, ne la sauveront pas ; elle n’aura que le triomphe d’un moment.

La reine des Immortels a connu vos douleurs ; elle a vu le roi du ciel, le père des dieux, prendre toutes sortes de formes pour se livrer à d’amoureux caprices, emprunter le plumage du cygne, les cornes du taureau de Phénicie, tomber du ciel en pluie d’or. Les deux fils de Léda brillent parmi les astres ; Bacchus est assis dans le ciel, comme fils de Jupiter. Alcide est devenu l’époux de la jeune Hébé ; il ne craint plus la haine de Junon, il a cessé d’être son ennemi pour devenir son gendre. Cette déesse hautaine a ramené le cœur de son mari par sa douceur, et en cachant son dépit ; maintenant elle possède seule le maître de la foudre sur sa couche céleste ; elle ne craint plus de nouvelles infidélités de son époux, que nulle beauté mortelle ne force plus à quitter sa cour.