Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/383

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gonfles les voiles de leur vaisseau, et les portes en pleine mer ; puis soudain, venant à tomber, tu les abandonnes au milieu des vagues orageuses et profondes.

La triste mère des Gracques a pleuré la mort de ses fils : c’est la faveur du peuple et son amour excessif qui les a perdus, ces hommes d’une naissance illustre, pleins de vertu, pleins d’honneur, grands par l’éloquence, par le courage et par les lois qu’ils ont portées. Tu as péri comme eux, noble Drusus ; ni les faisceaux ni la maison ne t’ont garanti de ce funeste sort.

L’exemple douloureux que j’ai devant moi ne me permet pas d’en citer d’autres : cette Octavie à qui tout à l’heure les Romains voulaient rendre sa patrie, son palais et le lit de son frère, maintenant ils la regardent froidement traîner au supplice et à la mort : sa misère, ses cris ne les touchent pas.

Heureux le pauvre qui vit en paix caché sous une humble chaumière ! les tempêtes n’éclatent que sur les hautes montagnes, la fortune ne frappe que les palais.

OCTAVIE.

Où me traînez-vous ? quel est l’exil auquel votre tyran ou sa nouvelle épouse me condamne ? Si cette rivale, déjà rassasiée de mes douleurs, consent à me laisser la vie, pourquoi m’exiler ? si elle veut ajouter le comble à mes maux par la mort, pourquoi me refuser encore la consolation de mourir sur le sol de ma pairie ?

Mais non, tout espoir m’est ravi ; je vois déjà le fatal