Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/385

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vaisseau de mon frère. Ma mère l’a monté avant moi, et maintenant c’est sa sœur, bannie de sa couche, qui doit le monter à son tour. Il n’y a point de providence que la vertu puisse invoquer, il n’y a point de dieux ; la cruelle Erinnys règne seule dans le monde.

Oh ! qui pourrait dignement déplorer mes malheurs ? les cris plaintifs de Philomèle suffiraient-ils à ma douleur. Ah ! si j’avais seulement ses ailes, je les étendrais, et, dans mon vol rapide, je fuirais le théâtre de mes misères, et la société des hommes, et la mort cruelle qui m’attend. Seule dans un bois désert, perchée sur un rameau flexible, je ferais entendre des chants tristes et lugubres.

LE CHŒUR

Nous sommes tous le jouet de la destinée ; il n’est point d’homme qui se puisse promettre un bonheur ferme et durable, au milieu de tant de révolutions que le temps amène dans son redoutable cours. Fille des Césars, puisez du courage dans les tristes exemples que vous offre votre maison. Êtes-vous la plus malheureuse de votre famille ? considérez d’abord la fille d’Agrippa, la belle-fille d’Auguste, l’épouse d’un César, dont le nom fut si grand dans le monde : voyez-la cette malheureuse princesse dont la fécondité nous donna tant dégages de paix ; exil, tortures, chaînes cruelles, funérailles, deuil, et trépas funeste après de longs tourments, voilà sa vie.