Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/39

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CLYTEMNESTRE.

Égisthe, pourquoi voulez-vous m’entraîner encore dans le précipice, et attiser le feu de ma colère qui commence à s’apaiser ? Le vainqueur s’est permis quelque chose avec ses captives, c’est un écart qui ne mérite pas l’attention d’une épouse et d’une reine ; la loi de l’hymen n’est pas la même pour les rois et pour les hommes privés. De plus, le souvenir de ma honteuse faiblesse ne me permet guère d’imposer à mon époux des lois sévères. On doit être prompt à pardonner quand on a besoin soi-même de pardon.

ÉGISTHE.

Oui, c’est bien ; vous vous pardonnerez vos fautes réciproques. Vous ignorez apparemment le privilèges des rois : juges sévères pour nous, mais indulgens pour eux-même, ils regardent comme la plus belle prérogative du trône le droit exclusif de faire tout ce qu’ils défendent aux autres.

CLYTEMNESTRE.

Hélène a reçu son pardon ; après avoir été pour l’Europe et l’Asie la cause de tant de maux, elle revient femme de Ménélas.

ÉGISTHE.

Oui, mais aucune maîtresse n’a entraîné Ménélas à de furtives amours, ni séduit ce cœur fidèle à son épouse. Votre tyran, au contraire, cherche déjà des prétextes et des raisons pour vous accuser. Quand vous n’auriez aucune faiblesse à vous reprocher, de quoi vous servirait l’innocence et la pureté de votre vie, devant un époux qui vous hait ? Vous êtes coupable sans examen. Croyez--