Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/53

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frère de mon époux vit-il encore ? Et ma sœur, dans quels lieux l’as-tu laissée ?

EURYBATE.

Je ne puis que former des vœux et prier les Immortels pour leur salut ; car les hasards de la mer ne me laissent rien de certain à vous apprendre sur leur sort. La tempête a divisé notre flotte, et le vaisseau de Ménélas a cessé d’être en vue du nôtre. Agamemnon lui-même, égaré sur la vaste mer, a souffert sur les flots plus de pertes que dans la guerre ; il revient comme un vaincu, traînant après lui quelques navires brisés, restes malheureux d’une si grande flotte.

CLYTEMNESTRE.

Raconte-moi cet accident qui a fait périr nos vaisseaux, et la tempête qui a séparé les deux rois.

EURYBATE.

C’est un triste récit que vous me demandez ; il faut mêler la douleur à l’heureuse nouvelle que je vous annonce ; mon âme attristée se refuse à vous obéir, et se trouble au souvenir de tant de misères.

CLYTEMNESTRE.

Parle ; c’est ajouter à ses craintes que de ne vouloir pas entendre le récit de ses malheurs : l’incertitude est un tourment de plus.

EURYBATE.

Dès que Troie tout entière a disparu sous les flammes, les Grecs se partagent les dépouilles, et se hâtent de courir vers la mer. Le soldat, épuisé par tant de fatigues, détache son épée ; les boucliers sont jetés sans ordre sur la poupe des vaisseaux, les mains de nos guerriers