Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/55

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saisissent les rames, et le moindre retard pèse à notre impatience.

A peine le signal du retour a-t-il brillé sur le vaisseau du roi, à peine le son de la trompette a-t-il averti les rameurs, le navire à la proue d’or s’ébranle et ouvre la carrière dans laquelle toute la flotte doit se lancer. D’abord un vent doux enfle nos voiles et nous porte sur les flots : c’est à peine si la surface de l’onde est ridée par le souffle du Zéphyr ; la mer brille tout ensemble et disparaît sous nos vaisseaux. Nous prenons plaisir à contempler le rivage de Troie maintenant désert, à voir le promontoire de Sigée fuir derrière nous. Nos guerriers s’empressent de courber les rames en mesure ; ils ajoutent leurs efforts à la puissance du vent ; leurs bras vigoureux s’élèvent et s’abaissent en cadence. La mer gémit sous les rames, ses vagues viennent battre les flancs des navires, et une blanche écume divise l’azur des flots.

Quand le vent plus fort a tendu les voiles, nous quittons les rames, et nous abandonnons les navires au souffle qui les emporte. Étendus sur les bancs, nos guerriers regardent la terre qui fuit derrière nous de toute la vitesse de notre marche, ou se plaisent à des récits de batailles. Ils redisent les menaces du valeureux Hector, son corps traîné dans la poussière, et racheté par Priam, et l’autel ensanglanté de Jupiter Hercéen.

Cependant les dauphins, qui se jouent dans le cristal des ondes et soulèvent de leur large dos les vagues de la mer de Tyrrhène, viennent en foule bondir autour de nos navires. On les voit former des cercles folâtres, na-