Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/57

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ger à côté de nous, tantôt nous devancer, tantôt nous suivre dans leurs jeux ; environner de leurs groupes joyeux tantôt le premier, tantôt le dernier de nos mille vaisseaux.

Déjà le rivage avait disparu ; les campagnes se cachaient à nos yeux, et les cimes de l’Ida se perdaient dans un lointain vague et confus. Tout ce qu’une vue perçante peut encore démêler, c’est la fumée d’Ilion, qui apparaît comme une tache obscure. Déjà le Soleil s’apprêtait à dételer ses chevaux fatigués, le jour tombait et les astres de la nuit allaient paraître. Tout à coup un léger nuage, s’arrondissant comme un globe noirâtre, se développe et ternit le disque lumineux du soleil couchant. Cette tache sinistre à pareille heure nous fait craindre une tempête.

Les premières étoiles de la nuit brillaient à la voûte du ciel : plus de vent, les voiles s’affaissent. Alors un bruit sourd, présage de malheur, se fait entendre au sommet des collines lointaines : le rivage et les rochers s’ébranlent avec un murmure effrayant ; la mer se soulève, gonflée par les vents prêts à fondre sur nous. Soudain la lune se cache et les étoiles disparaissent ; la mer monte vers le ciel qui disparaît à nos yeux. Et ce n’est pas une seule nuit qui nous enveloppe ; un épais brouillard s’ajoute aux ténèbres, et le ciel et la terre se confondent dans une même obscurité. Les quatre vents opposés, l’Eurus soufflant contre le Zéphyr, Borée contre le Notus, soulèvent la mer du fond de ses abîmes ; chacun d’eux lance tous ses traits ; ils s’acharnent sur les flots, et les roulent dans un tourbillon rapide. L’A-