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captives troyennes ; à leur tête marche avec orgueil la prêtresse inspirée d’Apollon, et le laurier prophétique se balance dans ses mains.


Scène II.

CHŒUR DE TROYENNES, CASSANDRE.
LE CHŒUR.

Quel doux supplice pour l’homme, que ce fatal amour qui l’attache à la vie, quand il pourrait s’affranchir de tous ses maux, quand la mort lui ouvre ses bras comme un refuge contre la souffrance, comme un port heureux où règne un éternel repos ! Aucune terreur, aucun orage soulevé par l’aveugle fortune, aucun éclat de la foudre injuste de Jupiter, ne troublent cet asile. On y goûte une paix profonde : on n’a plus à craindre ni les séditions furieuses, ni la colère d’un vainqueur, ni les tempêtes d’une mer soulevée par les vents ni les troupes en bataille, ni ces nuages de poussière qui montent sous les pas des coursiers barbares, ni les flammes ennemies qui dévorent les villes, ni l’extermination des peuples écrasés sous leurs murailles, ni la guerre furieuse. Il est libre de tout esclavage, celui qui méprise les caprices du sort, qui voit sans trouble et sans douleur les affreux rivages du Styx et de l’Achéron ; il est l’égal des rois et des dieux, le hardi mortel qui ose mettre un terme à sa vie.