Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/69

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Oh ! quel malheur de ne savoir pas mourir ! Nous avons vu tomber notre patrie dans une nuit cruelle, nous avons vu les remparts de Troie périr sous les feux des Grecs. Ce ne sont point les armes ni la force qui ont triomphé de nous, comme autrefois les flèches d’Hercule : Troie n’a point succombé sous le terrible fils de Thétis et de Pélée, ni sous les coups de son ami qui, revêtu de son armure, épouvanta nos guerriers par le fantôme d’Achille ; ni sous l’effort de ce héros lui-même, quand, la douleur ranimant son fier courage, il vint fondre sur nos remparts et porter la terreur dans nos âmes.

Troie a perdu la seule gloire qui pût lui rester dans sa ruine, celle de ne succomber que sous la force. Elle a résisté dix années entières pour périr enfin par un stratagème nocturne. Nous avons vu ce cheval immense dont on prétendait faire hommage à nos dieux ; et, follement crédules, nous avons introduit nous-mêmes dans nos murs ce fatal présent des Grecs ; plus d’une fois nous vîmes trembler sur le seuil de notre ville ce cheval monstrueux qui portait dans ses flancs des chefs et des guerriers ennemis. Il ne tenait qu’à nous d’éclaircir cette perfidie, et de prendre les Grecs dans leurs propres pièges. Plus d’une fois nous entendîmes le choc des boucliers, un sourd murmure frappa nos oreilles, ainsi que les frémissemens de Pyrrhus, qui ne se prêtait qu’avec peine aux fourberies d’Ulysse.

Sans aucune crainte, la jeunesse troyenne se plaît à