Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/71

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prendre dans ses mains les cordes sacrées ; Astyanax marche à la tête des enfans de son âge ; nos vierges sont conduites par la princesse fiancée au tombeau d’Achille. Hommes et femmes, parés comme pour un jour de fête, offrent aux dieux des présens solennels, et s’empressent dans les temples. La ville tout entière est dans l’allégresse ; Hécube même, si triste depuis les funérailles d’Hector, se laisse aller à cette joie universelle. Quel est le premier, quel est le dernier de nos maux que tu vas retracer, ô ma douleur ! est-ce la ruine de nos remparts élevés par les dieux et détruits par nos mains ? l’incendie de nos temples croulans sur leurs divinités ? D’autres malheurs nous empêchent de pleurer sur ceux-là : c’est sur toi que nous pleurons, glorieux père des Troyens. J’ai vu, j’ai vu le glaive de Pyrrhus se plonger dans le sein de ce vieillard, et se teindre à peine de quelques gouttes d’un sang glacé.

CASSANDRE.

Arrêtez ces larmes que vous aurez toujours le temps de répandre, ô femmes troyennes ! pleurez plutôt sur vous-mêmes, et célébrez par des gémissemens vos propres funérailles. Mes malheurs n’ont besoin d’être partagés par personne, cessez de gémir sur ce qui fait le sujet de mes douleurs, seule je saurai bien suffire à mes maux.