Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE CHŒUR.

Il est doux de mêler ses pleurs à ceux des autres ; les douleurs qu’on dévore en secret sont plus cuisantes : on aime à pleurer ensemble des malheurs communs ; et vous-même, quels que soient votre courage et votre constance, vous ne pourrez suffire à tant d’amertumes.

Ni la triste Philomèle qui, perchée sur un arbre au printemps, fait entendre ses chants plaintifs sur la mort de son cher ; Itys ni l’oiseau de Thrace qui se pose sur le bord des toits pour redire en gémissant la perfidie du roi qui fut son époux, ne pourraient dignement déplorer les malheurs de votre maison. Le cygne l’essaierait en vain, lorsque, entouré de ses blancs compagnons, il fait entendre son chant de mort sur les bords de l’Ister ou du Tanaïs. Ce serait trop peu encore de la malheureuse Alcyone qui mêle ses plaintes, sur la mort de Céyx, au triste murmure des flots, quand, pour s’être confiée au calme des mers, il lui faut réchauffer sa couvée dans son nid tremblant. Ce serait peu des prêtres mutilés de la déesse de la terre, se déchirant les bras avec vous dans vos douleurs, comme ils font quand ils se livrent à leurs danses furieuses, échauffés par les sons de la flûte de Phrygie, et qu’ils pleurent la mort d’Attis. Point de mesure à nos pleurs, ô Cassandre ! puisque nos malheurs ont dépassé toute mesure.