Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/99

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STROPHIUS.

O courte durée des félicités humaines !

ÉLECTRE.

Je vous en conjure par le souvenir de mon père, par la gloire de son sceptre, par l’inconstance du sort, emmenez Oreste avec vous, et répondez-moi de ce pieux larcin.

STROPHIUS.

Quelque effroi que doive m’inspirer le meurtre d’Agamemnon, je me charge volontiers de sauver cet enfant. Le bonheur demande des amis fidèles, mais c’est l’adversité qui les éprouve.

Tiens, pauvre enfant, pare ton front de cette couronne olympique : prends dans ta main gauche ce laurier vert qui protègera ta tête ; cette palme, don glorieux de Jupiter adoré dans Pise, sera pour toi tout ensemble un déguisement et un présage. Et toi, Pylade, qui as partagé la gloire de ton père en montant sur son char, apprends de lui à te montrer fidèle à l’amitié. Maintenant, ô mes coursiers, dont la Grèce tout entière a honoré la vitesse, volez et emportez-nous loin de cette cour homicide.

ÉLECTRE.

Il est parti, il est sauvé : le char, dans sa fuite rapide, est déjà loin de mes yeux. Maintenant je puis attendre mes ennemis sans crainte ; j’irai moi-même au devant de leurs coups. La voici, cette femme couverte du sang de son époux ; les traces de son crime sont encore sur sa robe ; ses mains sont encore souillées du meurtre qu’elle vient de commettre, et son visage furieux ne respire que