Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/156

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les blessures et de plus grands maux encore vont bientôt prouver à l'univers que ces deux monstres sont issus de moi.


Antigone. — Si vous n'aviez pas d'autre raison de vivre, ô mon père, le désir d'opposer votre autorité paternelle à leur fureur suffirait. Vous seul pouvez détourner cette guerre impie, vous seul pouvez retenir la fougue de ces deux frères, donner la paix à vos sujets, le repos à votre patrie, la force au pacte qu'ils ont violé. Refuser la vie pour vous-même, c'est la refuser à tous.


Œdipe. — Y a-t-il aucun respect filial, aucun sentiment de justice dans ces fils avides de sang, de puissance, de guerres, de perfidies, dans ces fils pervers, cruels, et, pour tout dire en un mot, dignes de leur père ! Ils vont lutter de forfaits. Rien n'est sacré pour ces âmes que la colère aveugle et précipite, et leur naissance criminelle fait qu'ils ne connaissent point de crime. Le malheur de leur père et le sort de leur patrie ne les touchent point. La passion de régner bouillonne au fond de leur cœur. Je sais où ils vont, je sais ce qu'ils veulent. C'est pourquoi je cherche une mort prompte, et me hâte de mourir pendant qu'il n'y a point encore dans ma famille de plus grand coupable que moi....

Ma fille, pourquoi ces larmes que tu verses en embrassant mes genoux ? Pourquoi tenter de fléchir par tes prières un cœur inflexible ?