Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/15

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au contraire, ne sont pas sans rapports avec le goût et les mœurs qui régnaient au temps de Sénèque. Nous aimons le relief de l’expression, l’éclat de la couleur, l’image plus que le sentiment, le trait et l’effet, les contrastes heurtés, la pastorale à côté du drame, l’abîme prés de l’élévation, le grandiose enfin plus que le grand. A tous ces titres, les tragédies de Sénèque piqueront la curiosité du lecteur, en même temps qu’elles l’intéresseront souvent par de fortes situations et l’expression pittoresque de sentiments auxquels l’exagération n’enlève pas toujours la vérité. Il faut trier dans ces tragédies, dégager le minerai ; mais l’or y est au milieu du limon. Ajouterai-je que chez Sénèque, le larcin, en même temps qu’il est plus facile, est moins aisé à reconnaître. Comme Racine, Corneille, Voltaire et bien d’autres ont imité Sénèque en mille endroits ; qui le sait ? « Il ne faut pas croire, a dit Laharpe, que les pièces de Sénèque soient absolument sans mérite ; il y a des beautés, et les bons esprits qui savent tirer parti de tout ont bien su les apercevoir. On y remarque des pensées ingénieuses et fortes, des traits brillants, et même des morceaux éloquents et des idées théâtrales. » Ces mots résument avec autant de justesse que de mesure les qualités de Sénèque et le fruit que l’on en peut recueillir.

J.-P. Charpentier.