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NOTES D’UNE FRONDEUSE

LE DÉPART DE L’AMIE


Samedi soir, 18 juillet 1891.

L’arrivée à Bruxelles a été sinistre.

Dès la frontière, du ciel bas, l’eau s’était mise à tomber en larges nappes, en violentes hachures. Tout le long des steppes du Hainaut, tout le long des plaines du Brabant, la tourmente a galopé sur les flancs du convoi. Et si fortes étaient ses rafales, qu’elles renfonçaient les bouffées de fumée dans la gueule des hauts-fourneaux.

Ici, on patauge. Les quelques centaines de baraques foraines, mi-françaises, mi-allemandes, qui se serrent autour de la gare du Midi, pour la grande Kermesse, semblent des épaves de l’arche où quelque animal est demeuré : lion de dompteur, lapin de tir, singe de ménagerie — et jusqu’au corbeau de la somnambule, qui rêve sur une patte, l’air profond, engoncé dans son waterproof de plumes noires que, par instants, il secoue.

— Cocher, rue Montoyer, 79 !

— Chez le général ?

— Oui, chez le général.