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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Comme tout cela en fera couler, du sang ! Comme tout cela hachera menu, menu, menu, comme chair à pâté, la viande humaine !

Et du regard, de la voix, la multitude flatte ces bêtes de massacre qui, au premier signe pourtant — vous le savez, Ô prolétaires ! — enfonceront aussi bien leurs crocs en peau française qu’en peau teutonne !

Hélas !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et, tandis que vers mon logis mélancolique montent les clameurs des passants, je songe aux roublardises antiques, livrant pour un jour Rome à ceux qu’on opprimait toute l’année ; leur donnant, vingt-quatre heures durant, plus que la liberté : la licence ; leur laissant traiter en égaux les plus hauts de la République, fraternisant avec eux parmi les réjouissances, — et profitant de la torpeur de leur ivresse pour, le lendemain, à l’aube, alourdir leurs fers, augmenter eu tâche, leur dénier toute justice et tout droit !

Danse et ris, bon peuple de France, si tel est ton caprice ; mais ouvre l’œil en même temps ! L’anniversaire que tu célèbres n’est pas tien ; la victoire qu’on fête n’est pas tienne ; et pour toi, nigaud, ainsi que le Veau d’or, la Bastille est toujours debout !

Quand la prend-on ?…