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NOTES D’UNE FRONDEUSE

ne s’était pas contenté de faire la guerre civile comme on fait la guerre étrangère, atout par-ci, atout par-là, mais qui avait été le virtuose du carnage, le ténor du massacre ; qui avait apporté, dans l’égorgement des vieillards, des femmes, des enfants, une incomparable maëstria !

Cependant, la logique des simples est implacable. Ils voient le fait : la croix de commandeur reçue après 1871 — allez donc leur dire qu’on récompensait seulement alors les états de service de la campagne, et qu’il s’agissait bien plus du sang répandu devant les Prussiens, que des deux balles attrapées dans Paris !

Voici que je calomnie les miens, en les traitant d’implacables. Personne ne l’est moins qu’eux ; et les braves gens croient à toutes les conversions — c’est ce qui fait leur gloire et leur sainte bonté ! En vous reprochant le passé, j’oubliais Cluseret, qui, après avoir été décoré pour sa part de répression contre les insurgés de juin 48, devint l’un des plus fougueux généraux de la Commune ; j’oubliais ce jeune tribun du parti socialiste qui, après avoir été sous-officier dans l’armée de Versailles, défend aujourd’hui ses adversaires d’il y a dix-sept ans.

Certes, en voilà la preuve, ils ne sont pas implacables ! Et votre phrase, à propos de la grève de Decazeville, a plus fait pour votre popularité que les refrains de Paulus et les articles de vos lèche-éperons.

C’était humain, cette idée de faire partager la gamelle du soldat par le gréviste ; d’atténuer les insurrections de la faim par l’entrée en ligne du fricot.

On m’a dit plus. Chacun sait que vous êtes sans le sou ; c’est peut-être ce qui rend votre gloire gaie et