Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
NOTES D’UNE FRONDEUSE

poupée, ou des peignes de celluloïd, en quelque hospitalière maison.

Quant à la corruption, j’ai, là-dessus, une théorie arrêtée : c’est que celui qui se vend est une bien autre canaille que celui qui acquiert.

Ce dernier, après tout, exerce son métier d’agioteur, de maquignon, il ne la fait pas à l’austérité ; il ne pose pas une main sur son épigastre et ne roule pas des prunelles mourantes, en invoquant les Droits de l’homme et les principes primordiaux de notre grrrande Révolution.

L’intermédiaire, le racoleur, est encore autrement net. Il compte les fronts illustres comme têtes de bétail ; et manigance une rafle d’élus comme un achat de porcs. Son gain, c’est l’anse du panier : la différence entre le prix coûtant et le prix marqué.

Que voulez-vous, je trouve ça exquis ! Cette façon d’acheter sur pied la viande parlementaire m’emplit d’aise — et je garde mes indignations pour qui a trafiqué de la confiance populaire ; vendu ce qui ne se vend pas ; brocanté sa foi, ses promesses, ses serments !

Ceux-là, oui, sont d’infects personnages, méritant tous les opprobres, tous les affronts. Ceux-là, oui, sont des traîtres que l’on doit flétrir haut et fort ! Car ils ont pris l’apparence de la vertu ; trompé leur monde ; livré, pour un peu ou beaucoup d’or, l’espoir des pauvres gens !

Ils sont d’autant responsables qu’ils justifient l’acquéreur. Si le bazar aux consciences n’était pas virtuellement ouvert, s’y aventurerait-on ? Si nul n’était à corrompre, seraient-ils conclus, ces pactes vils, ces répugnants marchés ?

La tentation ?… Oh ! oh ! Qu’est-ce donc que ces législateurs-là, investis du pouvoir suprême par