Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LETTRE À UNE MARIÉE


C’est donc aujourd’hui, petite Marcelle, que l’on vous marie — ou, pour mieux dire, que vous vous mariez. Car cette union est votre œuvre, à vous seule ; ce choix n’est que l’élection de vos préférences.

Il fait un beau rêve, le capitaine Driant !

Non pas seulement parce qu’il conquiert une jolie personne ; non pas surtout parce qu’il y a des « espérances » dans la famille — mais parce qu’il est sûr, certain, sans l’ombre d’un doute, sans l’effleurement d’un soupçon, d’être élu pour soi-même, d’avoir été distingué entre tous, en dehors de tout calcul de vanité ou d’ambition… d’être aimé, enfin !

C’est rare, par le temps qui court, d’ingénues d’affaires et de matrimoniales spéculations ! Et il faut, qu’à notre époque, un jeune homme soit ou bien héroïque ou bien innocent pour risquer la terrible aventure des justes noces. Plus d’un célibataire renforcé, si peu qu’il ait un nom et quelques mille livres de rentes, dit à qui