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NOTICE BIOGRAPHIQUE


mille pistoles qui les brouilla. En tout cas, il fut bientôt de ses amis ; car, dans le Dictionnaire des précieuses, où il figure sous le nom de Corbulon, il est déjà mentionné comme son lecteur, et comme ayant fait d’elle un très-bon portrait. En tout temps, madame de Sévigné se loua de son attachement, de son dévouement. Il devait, à n’en pas douter, avoir beaucoup de complaisance. Il adorait, « sans qu’il en fallût rien rabattre, » madame de Grignan[1], qui ne le lui rendait pas toujours et s’imaginait quelquefois qu’il la desservait dans l’esprit de sa mère. Mais il est à croire plutôt qu’il cherchait à plaire à madame de Sévigné par les éloges hyperboliques qu’il faisait de sa fille. Elle lui entendait dire, sans être très-offensée de ce que le propos pouvait avoir de désobligeant pour les autres, qu’il ne comprenait pas qu’on pût raisonner avec une autre femme que madame de Grignan. Il la déclarait aussi habile que le P· Malebranche. Ainsi peut-être s’expliquerait que madame de Sévigné le jugeât avec tant de faveur. Bussy ne devait pas être moins content de lui. Corbinelli s’extasiait sur sa divine manière de dire, qui lui semblait celle d’un homme de qualité, lui trouvait un air de parenté avec Horace, et louait comme un chef-d’œuvre ses épigrammes de Martial. Était—ce cette admiration pour ses amis, qui avait fait de lui le fidèle Achate ? Nous aimons à croire qu’il y avait moins de flatterie dans la fidélité du bon Troyen.

Lorsque madame de Sévigné fit, en 1672, le voyage de Provence dont nous avons parlé, elle y trouva Corbinelli, qui y passa deux mois avec elle. Il y était auprès de Vardes, depuis longtemps exilé. Corbinelli avait été mêlé aux intrigues de ce courtisan et de mademoiselle de Montalais, fille d’honneur de Madame, qui sont racontées en détail par madame de la Fayette dans son Histoire de Henriette d’Angleterre. De telles liaisons ne sont pas une grande recommandation pour Corbinelli. Dépositaire des lettres du comte de Guiche, que mademoiselle de Montalais lui avait confiées, il les remit à Vardes qui comptait en tirer bon parti. Toutes ces trames aboutirent à l’emprisonnement de Vardes et à celui de Corbinelli, en 1663. Plus tard, Vardes ayant été exilé, Corbinelli alla le rejoindre. Son dévouement ce-

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 29 juillet 1676.