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NOTICE BIOGRAPHIQUE


eux. Il y avait même de bonnes raisons pour qu’elle fût alors plus active que jamais. Pendant l’année 1674, le comte de Guitaut employa, pour défendre les intérêts des Grignan, toute l’influence que lui donnait, dans les affaires de Provence, ce gouvernement des îles Sainte-Marguerite. Madame de Sévigné lui écrivait, en le remerciant, qu’il y avait fait des merveilles. Son zèle avait été grand en effet. Les souvenirs de bon voisinage dans la rue Saint-Anastase à Paris, plus particulièrement encore ceux de Bourbilly et d’Époisses, auraient suffi sans doute pour qu’il embrassât avec chaleur le parti du gendre de madame de Sévigné. Mais ce qui ne refroidissait pas son ardeur à servir M. de Grignan, c’est que l’adversaire du lieutenant général était en ce moment l’évêque de Toulon, Forbin d’Oppède, et que, de son côté, le comte de Guitaut était en procès avec les Forbin.

Sans vouloir prendre trop au sérieux un badinage, quelques mots d’une lettre de madame de Sévigné, écrite sous les yeux mêmes du comte de Guitaut, peuvent donner à penser que madame de Grignan ne lui était pas tout à fait indifférente[1]. Il avait d’ailleurs été galant dans sa jeunesse, et Bussy, dont les éloges ne sont pas, à son sujet, suspects d’exagération, dit qu’il était « assez joli garçon de sa figure[2]. »

Après sa mort, qui arriva à la fin de 1685 (27 décembre), madame de Sévigné fut en commerce de lettres, très-suivi, avec la comtesse de Guitaut. Elle avait souvent recours à elle pour ses affaires de Bourbilly, qu’elle remettait à sa décision souveraine. Elle parait avoir eu grande confiance en son habileté, dont elle disait « ne pas approcher elle-même de cent lieues, » quoiqu’il fût certainement difficile à une femme d’entendre mieux les affaires que madame de Sévigné. Elle lui faisait souvent beaucoup de compliments sur sa bonne tête. Nous voulons croire qu’ils étaient sincères. Un passage d’une lettre à sa fille y met cependant quelques restrictions. « Ces sœurs-là, dit-elle, ont d’étranges têtes (madame de Guitaut, seconde femme du comte, était une demoiselle de Verthamont[3]) ; quoi-

  1. Lettre du 29 août 1677.
  2. Mémoires tome I, p. 160.
  3. Le comte de Guitaut, veuf de sa première femme, le 31 mars 1661, avait épousé, en octobre 1669, Élisabeth-Antoinette de Verthamont.