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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


vous en parlerai plus, et je méditerai sans cesse sur la force invincible de vos raisons, et sur votre admirable sagesse, dont je vous loue, et que je tâcherai d’imiter[1]. »

Enfin une lettre du 7 janvier 1674 apprit à madame de Sévigné que sa fille se décidait à venir. Elle lui écrivit aussitôt : « Votre lettre me comble d’une joie si vive qu’à peine mon cœur, que vous connaissez, la peut contenir... Je vous jure et je vous proteste devant Dieu que, si M. de la Garde n’avoit jugé votre voyage nécessaire et qu’en effet il ne le fût pas pour vos affaires, jamais je n’aurois mis en compte, au moins pour cette année, le désir de vous voir, ni ce que vous devez à la tendresse infinie que j’ai pour vous... J’ai quelquefois de la force dans ma foiblesse, comme ceux qui sont les plus philosophes. Après cette déclaration sincère, je ne vous cache point que je suis pénétrée de joie, et que la raison se rencontrant avec mes désirs, je suis, à l’heure que je vous écris, parfaitement contente[2]. »

M. de Grignan ayant obtenu son congé, que madame de Sévigné avait ardemment sollicité, arriva à Paris, avec madame de Grignan, en février 1674. Il en repartit au bout de trois mois. Mais madame de Grignan ne quitta pas alors sa mère. Une grossesse qui ne fut point heureuse (elle accoucha, au bout de sept mois, d’un enfant qui ne vécut pas), ne lui aurait pas permis de suivre son mari en Provence, quand celui-ci eût voulu la séparer sitôt de madame de Sévigné.

Il était bien difficile, nous le savons déjà, quand la mère et la fille étaient réunies, qu’il ne s’élevât pas entre elles quelque nuage. Nous n’avons, pendant l’année qu’elles passèrent ensemble, qu’une lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, et cette lettre nous fait entendre les plaintes accoutumées. Elle est écrite de Livry, où madame de Sévigné avait été voir l’abbé de Coulanges et plusieurs personnes de sa famille. Madame de Grignan n’avait pu l’y accompagner, mais sachant combien, au printemps, sa mère aimait ce charmant séjour, elle n’avait cessé d’insister pour qu’elle y allât seule entendre les rossignols et tous les petits oiseaux de ses bos-

  1. Lettre à madame de Grignan, 28 décembre 1673.
  2. Lettre du 15 janvier 1674.