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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


« Il n’étoit point, écrivait-elle, à cette première expédition ; mais il sera d’une autre : peut-on trouver quelque sûreté dans un tel métier ? » Cependant les bruits d’une paix prochaine, qui se répandirent bientôt, la rassuraient un peu. Son fils lui mandait qu’il croyait avoir fini sa campagne, et comme c’était le temps où elle se préparait à partir pour la Provence, il lui promettait qu’il irait bientôt la retrouver à Grignan, si les armées se retiraient d’aussi bonne heure qu’il le pensait. Mais quand elle partit, le 13 juillet 1672, pour se rendre auprès de madame de Grignan, madame de Sévigné ne dut emporter qu’une espérance bien affaiblie de ce prochain congé. On savait quelle arrogante réponse avait été faite aux ouvertures de paix apportées par l’envoyé de Hollande, Grotius. Sévigné, qui avait passé, avec les gendarmes-Dauphin, dans l’armée du prince de Condé, ne put revenir qu’un moment à Paris, pendant les quartiers d’hiver, en février 1673. Madame de Sévigné eut alors de ses nouvelles par madame de Coulanges et par madame de la Fayette. Mais il ne pouvait songer à exécuter son projet d’un voyage en Provence, où il eût alors trouvé sa mère et sa sœur. Il fallait repartir au bout de peu de jours. Le 27 février, madame de la Fayette écrivait à madame de Sévigné qu’elle avait reçu ses adieux. Elle sollicitait de l’argent pour lui, et parlait à ce sujet avec toute la franchise de son caractère et d’une vieille amitié. Madame de Sévigné comptait un peu, quand il s’agissait des dépenses de son fils. Il paraît qu’en effet il ne les ménageait pas beaucoup ; en paix comme en guerre, il avait toujours besoin de subsides, et sa mère disait que sa main était un creuset où l’argent se fondait. Elle avait payé vingt-cinq mille écus pour lui acheter sa charge de guidon ; et il avait fallu, au commencement de la campagne de 1672, se presser les côtes pour faire son équipage. N’oublions pas cependant que, dans le même temps, madame de Sévigné envoyait à sa fille un tour de perles de douze mille écus, ce qui était un peu moins utile. Lisons le billet de la sincère madame de la Fayette ; il nous apprendra ce que pensaient les amis de madame de Sévigné. « Votre fils sort d’ici ; il m’est venu dire adieu, et me prier de vous expliquer ses raisons sur l’argent. Elles sont si bonnes que je n’ai pas besoin de vous les expliquer fort au long ; car vous voyez d’où vous êtes la