en termes quelque peu obscurs, mais dont on entrevoit le sens :
« Souvenez-vous du temps que vous m’écriviez que c’étoit un
mari divin pour la société : il ne l’est pas pour le commerce[1]. »
Il est bien vrai que Bussy n’était pas du tout partial en faveur
de M. de Grignan ; mais il ne faisait ici que répondre à une
plainte de madame de Sévigné, à une exclamation sur la destinée de la pauvre Madelonne. Il y a d’ailleurs quelques lignes
de madame de Sévigné, qui en disent presque autant, quoique
avec beaucoup plus de ménagements et de correctifs : « M. de
Grignan a des endroits d’une noblesse, d’une politesse et même
d’une tendresse extrême ; je vois en lui d’autres choses dont
les contre-coups sont difficiles à concevoir ; et comme tout est
à facettes, il y a aussi des endroits inimitables pour la douceur
et l’agrément de la société[2]. » En définitive, si l’on devait,
pour connaître la véritable opinion de madame de Sévigné sur
son gendre, s’en rapporter aux lettres qu’elle écrivait à sa fille,
et que pouvait voir M. de Grignan, les moments de rudesse,
que Bussy fait supposer, étaient sans doute rares. Madame de
Sévigné lui aurait plus volontiers reproché d’abuser de la politesse et de la complaisance pour mener le cœur de sa femme,
et, « en la faisant toujours la maîtresse, d’être toujours le
maîtres[3] » art bien innocent chez celui à qui l’autorité appartient, et que l’on voit d’ordinaire plutôt à l’usage du sexe le
plus faible. Pour n’oublier aucun des péchés de M. de Grignan,
comme mari, il semble que, malgré sa laideur, il donnait parfois quelque sujet de jalousie à madame de Grignan. Mademoiselle de Montgobert, la fidèle demoiselle de compagnie de madame de Grignan, écrivait à madame de Sévigné que sa maîtresse
était « jalouse sans le savoir, et M. de Grignan amoureux sans
le croire[4]. » Il paraît qu’il s’agissait des beaux yeux d’une certaine
madame D...[5]. Mais madame de Sévigné parlait trop gaiement
des infidèles amours de son gendre, pour qu’on le suppose bien
criminel ; et quant aux défauts de caractère, dont on entrevoit
qu’il était quelquefois accusé, nul n’est parfait ; madame de
Grignan ne l’était pas toujours non plus ; enfin il devait suffire
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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.