maison. » Elle fit, dans la mauvaise fortune, une cour encore
plus assidue à cet ancien ami, qu’au temps où elle avait besoin de
lui pour la fortune des Grignan ; et le commerce familier, que
les occupations du ministre ne permettaient plus depuis bien
des années, recommença comme au bon temps de Fresnes et
de l’hôtel de Nevers. Mais, quoique sensible à la disgrâce de
M. de Pomponne pour lui même surtout, elle fut aussi très-frappée de ce que sa fille y perdait. Sans se livrer cependant au
découragement, elle songea à chercher de nouveaux appuis.
Elle espérait beaucoup du successeur de Pomponne, Colbert de
Croissi, qui était ami du chevalier de Grignan. « La fortune
toute capricieuse, disait-elle à sa fille, voudra peut-être vous
faire plus de plaisir par là que par notre intime ami[1]. » Elle
comptait particulièrement sur madame de la Fayette, que le
mariage du petit-fils de M. de la Rochefoucauld avec la fille de
Louvois venait de mettre très-près de la faveur. Madame de la
Fayette, qui connaissait bien les vœux les plus chers de madame de Sévigné, l’assurait qu’elle ne souhaitait qu’une occasion pour « lui redonner sa fille par un attachement qui convînt à M. de Grignan[2]. » Elle lui faisait ces offres de service
avec une cordialité touchante, et, comme disait madame de
Sévigné, « d’une manière à l’embrasser[3]. » Cet attachement
que proposait madame de la Fayette était, il n’est pas besoin
de le dire, une place à la cour. Madame de Sévigné devait alors
en souhaiter une d’autant plus vivement pour son gendre, que
tout ce qu’elle apprenait de la Provence l’effrayait de plus en
plus pour la maison de Grignan. Elle voyait s’écrouler cette
maison si chère. Elle savait qu’à toutes les autres dépenses déréglées continuait de se joindre le jeu de M. de Grignan, à
qui il servait bien peu de détester la bassette, car il aimait
l’hombre et le jouait de façon à perdre tous les jours. Ce désordre mettait madame de Sévigné dans une grande colère,
qu’elle ne pouvait plus cacher : « Quand vous dites, écrivait-elle à sa fille, que c’est un os que vous donnez à ronger à votre
compagnie, je sais bien qu’il faut leur en jeter, mais je ne
Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/272
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
NOTICE BIOGRAPHIQUE