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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


périls à courir : c’est ce que Chantal cherchait. Il fut reçu comme volontaire dans l’armée de son ami. Sainte Chantal écrivait alors à Marie de Coulanges : « Ô ma très chère fille, je ne doute pas que votre pauvre cœur ne soit en peine de sentir votre mari dans les hasards de la guerre... Je supplie Dieu vous conserver avec votre petite bien-aimée. » Cette petite bien-aimée était Marie de Chantal, née le 5 février de l’année précédente.

Le 22 juillet[1], les Anglais de Buckingham débarquèrent, au nombre de plus de deux mille, à la pointe de Samblanceau. Toiras n’avait à leur opposer que deux cents chevaux et huit cents hommes d’infanterie. Six escadrons reçurent l’ordre de commencer la charge contre les Anglais. Un de ces escadrons avait voulu être commandé par Chantal. On partit d’abord au pas : mais bientôt, sous le feu terrible de l’ennemi, les escadrons durent prendre le galop et enfin se précipiter à toute bride. Le canon tonnait de tous côtés sur leurs flancs, et la plupart des cavaliers étaient hors de combat avant d’arriver à l’ennemi. Ils furent enfin contraints de faire retraite. La plupart des officiers de cette troupe vaillante revinrent plus ou moins grièvement blessés. Plusieurs des chefs restèrent sur le champ de bataille : Restincler, frère de Toiras, Navailles, de Cause, Chantal[2]. Dans la Vie de sainte Chantal[3], écrite en tête de ses Lettres par Bussy ou plutôt par sa fille, la marquise de Coligny, il est dit que Chantal, dans ce combat qui dura six heures, fut blessé de vingt-sept coups de pique, dont il mourut deux heures après. Suivant le Mercure français[4], il fut tué d’un coup de canon. Il n’avait que trente et un ans. Marie de Coulanges, sa femme, fit déposer son cœur dans l’église des Minimes de la place Royale[5].

  1. C’est un des anniversaires que madame de Sévigné n’oublie pas. Une lettre à sa fille est ainsi datée : « 22 juillet 1671, jour de la Madeleine, où fut tué, il y a quelques années, un père que j’avais. »
  2. Mercure français, tome XIII , p. 835.
  3. Voir les Lettres de sainte Chantal, édition de Blaise.
  4. Tome XIII, p. 904.
  5. Nous donnons dans les notes à la fin de la Notice (note 2) l’épitaphe gravée sur le monument qui lui fut élevé dans cette église.