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1664 tée, bon ou mauvais, comme Dieu le lui enverra[1], sans préambule, afin qu’il ait le temps de se préparer à en recevoir la nouvelle par ceux qui viendront lui dire ; ajoutant que pourvu qu’il ait une demi-heure à se préparer, il est capable de recevoir sans émotion tout le pis qu’on lui puisse apprendre. Cet endroit-là me fait pleurer, et je suis assurée qu’il vous serre le cœur.

Mercredi[2].

On n’a point entré aujourd’hui à la chambre, à cause de la maladie de la Reine, qui a été à l’extrémité[3] : elle est un peu mieux. Elle reçut hier au soir Notre-Seigneur comme viatique. Ce fut la plus magnifique et la plus triste chose du monde, de voir le Roi et toute la cour, avec des cierges et mille flambeaux, aller querir et reconduire le saint sacrement. Il fut reçu avec une autre infinité de lumières[4]. La Reine fit un effort pour se soulever, et le reçut avec une dévotion qui fit fondre en larmes tout le monde. Ce n’étoit pas sans peine qu’on l’avoit mise en cet état. Il n’y avoit eu que le Roi capable de lui faire entendre raison ; à tous les autres elle avoit dit qu’elle vouloit bien communier, mais non pas pour mourir : on avoit été deux heures à la résoudre.

L’extrême approbation que l’on donne à tout ce que
  1. Mme  de Sévigné n’écrit pas j’enverrai, j’enverrais, mais j’envoirai, j’envoirais. Voyez le Lexique dans le dernier volume.
  2. Mme de Sévigné écrit aussi, habituellement, mecredi, sans r.
  3. La Reine était accouchée le 16 novembre d’une princesse, nommée Marie-Anne, qui ne vécut qu’un mois ; et le lendemain 17, elle eut des convulsions qui la mirent à l’extrémité. Anne d’Autriche l’avertit de son danger, et l’engagea à recevoir les sacrements. Le 18, elle éprouva du mieux. Mme  de Motteville, qui nous fournit ces dates, ne fait pas mention de l’emplâtre de Mme  Foucquet, dont il est parlé dans la lettre suivante ; elle attribue la guérison de la Reine à l’émétique.
  4. La Gazette du 22 novembre 1664 décrit, dans un grand détail, toute cette cérémonie.