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l’avoir. Nous avons bien parlé de notre cher ami, elle avoit vu Sapho[1], qui lui a redonné du courage. Pour moi j’irai demain en reprendre chez elle ; car de temps en temps je sens que j’ai besoin de réconfort. Ce n’est pas que l’on ne dise mille choses qui doivent donner de l’espérance ; mais, mon Dieu ! j’ai l’imagination si vive que tout ce qui est incertain me fait mourir.

Vendredi 28e novembre.

Dès le matin, on est entré à la chambre. M.  le chancelier a dit qu’il falloit parler des quatre prêts[2] ; sur quoi T*** a dit que c’étoit une affaire de rien, et sur laquelle on ne pouvoit rien reprocher à M.  Foucquet ; qu’il l’avoit dit dès le commencement du procès. On a voulu le contredire : il a prié qu’il pût expliquer la chose comme il la concevoit, et a prié son camarade[3] de l’écouter. On l’a fait, et il a persuadé la compagnie que cet article n’étoit pas considérable. Sur cela on a dit de faire entrer l’accusé : il étoit onze heures. Vous remarquerez qu’il n’est pas plus d’une heure sur la sellette. M.  le chancelier a voulu parler de ces quatre prêts. M.  Foucquet a prié qu’on voulût lui laisser dire ce qu’il n’avoit pu dire la veille sur les octrois ; on l’a écouté, il a dit des merveilles ; et comme le chancelier lui disoit : « Avez-vous eu votre décharge de l’emploi

  1. Ce nom est défiguré dans la copie de Troyes, et suivi de sa traduction : « Mlle  de Scudéri. » Voyez la note 3 de la lettre 49.
  2. Il s’agit des prêts, ou avances d’argent, faits au Roi par Foucquet, et des intérêts que le surintendant tirait de ces prêts.
  3. Le Cormier de Sainte-Hélène ou Sainte-Hélaine, conseiller au parlement de Rouen, fut rapporteur conjointement avec Olivier d’Ormesson, mais n’imita pas son courage. Voyez la lettre 63. Il ne survécut pas longtemps au procès de Foucquet. Le 22 avril 1666, comme il passait devant la Bastille, il lui prit une foiblesse, et il mourut subitement dans son carrosse, rue Saint-Antoine.