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cheux de moi dans mon chemin, que je me résolus de choisir les gens à qui je fais cette confidence. Vous êtes de ce nombre ; car je m’imagine qu’en votre faveur vous voudrez bien excuser les retours de mon cœur pour vous, quand même vous auriez vu des lettres que j’ai retrouvées depuis peu, où vous me remerciez avec chaleur et reconnoissance de la véritable envie que j’avois de vous avancer de l’argent sur notre oncle de Chalon[1] ; et ensuite la querelle d’Allemand se forma sur ce que vous trouvâtes qu’on pouvoit faire sur moi une fort jolie satire. Je vous mets donc du nombre de ceux qui veulent bien m’excuser. M. de Corbinelli en est aussi. Il a des tendresses pour vous qui rallumeroient les miennes quand je n’y serois pas disposée. Je vous trouve heureux d’avoir devant vous le plaisir de le voir. Pour moi, j’ai derrière celui de l’avoir vu, dont je suis au désespoir ; car, en un mot, son esprit est fait pour plaire au mien. Je n’avois rien trouvé en son absence qui me pût consoler de lui. Il m’aime comme j’aime qu’on m’aime. Ainsi je perds ma joie et la douceur de ma vie en le perdant.

J’admire par quels enchaînements sa destinée le porte à deux cents lieues de moi, et son intérêt m’y fait consentir, contre le mien propre.

Adieu, Comte, écrivons-nous, et prenons courage contre nos ennemis. Pensez-vous que je n’en aie pas, moi qui vous parle ? Je fais mes compliments à toutes vos dames. Mme de Grignan vous fait les siens de très-bonne grâce. Je ne suis pas accoutumée à la voir grosse, j’en suis scandalisée aussi bien que vous.

APOSTILLE DE CORBINELLI.

Vous êtes deux vrais Rabutins, nés l’un pour l’autre.

  1. Lettre 107. — i. Jacques de Neuchèse, évêque de Chalon. Voyez la lettre 80 et les suivantes.