Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
NOTICE BIOGRAPHIQUE

ment de l’archevêque de Corinthe, qui prit le nom de régiment de Corinthe, se fit battre à Longjumeau. La troupe de Renaud de Sévigné, inférieure en nombre aux royalistes, avait fui à la première décharge. Le cheval de Renaud s’étant abattu, toute la cavalerie lui avait passé sur le corps. Il en fut quitte pour des meurtrissures[1]. Un bon mot des royalistes rendit cette défaite ridicule : ce fut la Première aux Corinthiens. Renaud de Sévigné se trouva toujours, parmi les partisans de Retz, un des plus en vue. Aussi fut-il au nombre de ceux qu’on exila de Paris lorsque, à la fin de l’année 1652, le coadjuteur fut arrêté et emprisonné à Vincennes[2].

Tandis que le marquis de Sévigné était allé combattre, ou plutôt rire, en Normandie, la marquise était restée à Paris, frondeuse naturellement comme tous les siens. Bussy était à Saint-Denis, où il avait amené d’Autun les chevau-légers du prince de Condé. Il s’y ennuyait fort et sentait le besoin, pour se divertir, d’avoir quelques intelligences avec l’ennemi. Il écrivit, le 15 février, à sa cousine. « Sans l’espérance, lui disait-il, de vous faire quelque plaisir au sac de Paris, et que vous ne passerez que par mes mains, je crois que je déserterais ; mais cette vue me fait prendre patience. » Nous ne savons si c’est là ce que Bussy, traçant son propre portrait, appelait « être fort civil avec les dames et, dans ses familiarités, ne jamais manquer au respect qu’il leur devait. » Il y avait, ce nous semble, dans ses plaisanteries plus de vivacité d’esprit que de respect et de délicatesse. Pour ne pas se fâcher de ces impertinences, il fallait être fort éloignée de la pruderie. Madame de Sévigné lui écrivit, il est vrai, dans une lettre qu’il ne nous a pas conservée, qu’il était un insolent, mais c’était parce qu’il lui avait mandé que les royalistes s’étaient emparés de Brie. Très indulgente d’ailleurs pour des licences de plume un peu trop fortes, elle s’était employée avec zèle à lui faire rendre les chevaux de son carrosse, que les frondeurs avaient pris. Il est juste de dire que, lorsqu’il avait envoyé à Paris son trompette, pour réclamer ses chevaux, il avait écrit plus gentiment cette fois à sa cousine : « Si M. le cardinal avait à Paris

  1. Journal de d’Ormesson, dans la thèse de M. Chéruel, p. 218.
  2. Muse historique de Loret, tome I, p. 323.