Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/273

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1695 repas conformes à cet état, et que les dattes et les fruits sauvages feroient tous ses festins ; je plaignais son maître d’hôtel ; et en disant toutes ces bagatelles, je sentois que j’avois grand besoin de vous, et que l’ânonnement[1]que je connois feroit une étrange pauvreté de toute cette lettre. Vous êtes venu au secours, comme je l’avois pensé, et vous êtes présentement dans un autre pays, où vous sentez toutes les douceurs de l’amour paternel ; qu’en dites-vous ? vous n’eussiez jamais pensé qu’il eût été si fort, si vous ne l’aviez éprouvé : c’eût été grand dommage que toutes les bonnes instructions que vous avez données aux petits enfants[2] n’eussent point été suivies par quelque enfant de votre imagination. Ce petit comte de Nicei est un chef-d’œuvre[3], et la singularité

  1. 4. M. de Chaulnes lisait aussi mal que M. de Coulanges lisait bien (Note de l’édition de 1751.) — Voyez ci-dessus p. 45
  2. 5. Allusion à la chanson de Coulanges intitulée : Avis aux pères de famille.
  3. 6. l’explication de ce passage est donnée par Coulanges lui—même dans le manuscrit de ses Chansons (folio 79 recto) : « Le petit comte de Nicey, dit-il, enfant imaginaire des secondes noces, imaginaires aussi, de M. de Coulanges avec Mme de Louvois. Pour entendre ces couplets et plusieurs autres qui roulent sur la même plaisanterie, il faut savoir qu’il y avoit autrefois dans l’abbaye de Tarascon une religieuse qui devint folle pour avoir vu le feu comte de Moret, fils naturel de Henri IV. Dans ses accès de folie elle ne parloit que de son amour, et s’étoit persuadée qu’elle en avoit deux enfants, un fils et une fille, quoiqu’elle ne l’eût vu qu’en passant ; et comme on l'alloit voir souvent pour se réjouir, on la faisoit tomber sur ce chapitre. Aussitôt elle contoit son amour et toutes les perfections du comte, elle le pleuroit et puis de ses deux mains elle montroit ces deux enfants imaginaires, en disant qu’ils faisoient toute sa consolation. « Voilà mon fils, voilà ma fille : les beaux enfants ! » Elle contoit en les montrant combien ils étaient parfaits. Ce disant ne finissait point, et puis après avoir bien parlé, elle disoit à la dame qui l’entretenoit : « Le voyez-vous, Madame ? — Non, Madame, répondoit l’étrangère. — Ni moi non plus » ; et sur cela elle versoir un torrent de larmes. Il faut savoir encore que le comté de Nicey, en Bourgogne,