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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 11.djvu/378

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292 ÉCRIT DE MADAME DE GRIGNAN

passive consiste dans l’exercice de ce pur amour tous les chrétiens ne sont pas appelés à cet état, donc tous les chrétiens ne sont pas appelés â la perfection chrétienne qui consiste dans le pur amour, tel que le définit l’École ce qui est contre le précepte a Tu aimeras Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces. »

Monsieur de Cambrai dit «Tous sont appelés à la perfection mais ils ne sont pas tous appelés aux mêmes exercices et aux mêmes pratiquesparticulières.» Cette réponse ne paroît pasassez forte. Il ajoute1: « Tous les chrétiens sont appelés à la perfection de l’amour de Dieu, peu y parviennent; on n’en doit exiger la pratique que quand les âmes y sont disposées. » On trouve de la contradiction dans cette ré- ponse, parce qu’il a dit ? dans son Avertissement qu’il ne faut pas même nommer le pur amour, qu’il n’en faut jamais parler que quand Dieu commence à ouvrir le cœur à cette parole; qu’il ne faut pas exciter la curiosité sur cette matière qu’il n’en parle que parce qu’on y est forcé3.

Monsieur de Meaux conclut « Donc ce n’est pas le pur amour ordonné, commandé à tout chrétien il ne faudroit pas en faire4 un mystère, il n’en faut pas réprimer la curiosité, ni la regarder comme une occasion de scandale et de trouble; ainsi, quand on met l’oraison passive dans le pur amour, où consiste la perfection proposée à tout chrétien, on est contraint de dire que tout chrétien n’y est pas appelé. »

Je crois que c’est conclure du particulier au général, et il me semble qu’on peut dire s Tous sont appelés au pur amour tous n’y sont pas appelés par la voie de l’oraison passive; elle consiste dans le pur amour, mais ce pur amour peut être sans elle. »

ne petit être heureux qu’en possédant Dieu; ainsi on aime Dieu, non pour lui, mais pour soi cet amour se nomme l'amour de concupiscence.

3° On aime Dieu pour soi; mais on y mêle un commencement d’amour de Dieu pour lui-même cet amour mélangé est l'amour d’espérance.

4° 0 aime Dieu pour lui-même mais il y reste encore un degré d’amour de Dieu pour soi; de façon cependant que l’amour de Dieu pour lui-mémo est l’affection dominante de Pâme c’est l’amour de la charité. Mais pour le distinguer du parfait amour, M. de Fénelon lui donne le nom d’amour intéressé.

5° On aime Dieu uniquement pour lui-même, sans aucun retour sur soi, sans penser qu’il fera notre bonheur, sans aucun motif de crainte ni d’espérance c’est l'amour désintéressé ou l'amour pur. »

1. Dans l’édition de Klostermann « II a dit. » Mme de Grignan a écrit adiouste.

2. « puisqu’il a dit. » [Année littéraire et édition de 181S.)

3. « qu’il y est forcé, » {Ibidem.)

4. « car il ne faudroit pas en faire. » {Ibidem.)