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3oo CH. DE SÉYIGTSnÊ ET DACIER

je demanderai si on n’a pasplus d’attention pour Mithridate, pour Britannicus, pour Porus et Oreste l, que pour A.strate, dont un seul auteur a dit Jstratus vixit, et pour le grand Ostorius, dont l’abbé de Pure est le père2 ?

Je prévois qu’on me dira qu’il n’est pas juste de comparer Qui-

nault et l’abbé de Pure à Racine, et que la différence des pièces vient de la différence des auteurs qui les ont composées; mais je soutiens que quand Racine lui-même, tout Racine qu’il est, inventeroit le plus beau sujet du monde, et qu’il le traiteroit dans toutes les règles de l’art s’il donne à ses personnages des noms chimériques, les spectateurs n’en seront pas aussi touchés qu’ils l’ont été des admirables tragédies qui l’ont rendu immortel à la postérité.

i. Porus dans V Alexandre de Racine (i665), et Oreste dans VAndromaque

(1667). Britannicus est de 1669, et Mithridate, qui fut précédé de Bérénice et de Bajazet, est de i6j3.

2. Ceci est un souvenir de Boileau, qui dans son Dialogue des Héros de

roman.* introduit Astrate et Ostorius. Pluton demande au premier « Qu’es-tu, toi? As-tu jamais été? » Astrate « Oui-da, j’aiété, et il y a un historien latin qui dit de moi en propres termes dstratus vixit, « Astrate a vécu. » Pj,utok « Est-ce là tout ce qu’on trouve detoi dans l’histoire?» Astbate « Oui; et c’est sur ce bel argument qu’on a composé une tragédie intitulée du nom d’Astrate, etc. » Quelques ligues plus loin, Pluton dit en voyant venir Ostorius « « Mais quel est ce grand mal bâti de Romain.? Peut-on savoir son nom? s> OsToitros « Mon nom est Ostorius » PtuTotr « Je ne me souviens point d’avoir jamais nulle part lu ce nom-lâ dans l’histoire. » OSTORIUS « 11 y est pourtant. L’abbé de Pure assure qu’il l’y a lu, etc. » Astrate, roi dé Tyr, tragédie de Quinault, fut représenté avec succès sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne vers le milieu de décembre 1664. Dès i665, vers la fin de sa satire ni, Boileau avait critiqué V Astrate avec une très-piquante ironie. Ostorius, la seule tragédie écrite par l’abbé de Pure, fut donné sur le même théâtre en 1659. Quinault cite en tète de sa pièce le témoignage, non d’un historien latin, mais de Josèphe {contre Appion, livre II, chapitre xvtu) Astartus, filùa Beleastarti, régnant. Quant à Ostorius, le vainqueur de Caractacus, il joue, quoi qu’en dise Boileau, un assez grand rôle dans l’histoire du règne de Claude voyez dans Tacite le livre XII des Annales,, et la Vie d’Agricola. Au lieu du nom d’Ostorius, on lit dans l’édition originale de e la Dissertation Sésostrius, et cette erreur bizarre (serait. elle de Sévignê luimême ?) a été reproduite dans la réimpression de Grouvelle, aussi bien que dans celle de 1S1S.

Ce Dialogue, composé en i665, ne fut publié, sur le manuscrit même de

Boileau, qu’en I7l3; mais il avait été plusieurs fois imprimé à l’étranger, entre autres en 168S, d’après les fréquents récits que l’auteur avait été obligé d’en faire voyez le Discours qui précède le Dialogue, et dans l’édition de M. Berriat-Saint-Prix, la note 3 de la p. 36 du tome III.