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sonne demeurer au milieu d’un mois, pour n’avoir pas le courage de l’achever ; c’est comme de mourir : vous ne voyez personne qui ne sache se tirer de ce dernier rôle. Il y a des choses dans vos lettres qu’on ne peut ni qu’on ne veut oublier. Avez-vous mon ami Corbinelli et M. de Vardes ? je le souhaite. Vous aurez bien raisonné, et si vous parlez sans cesse des affaires présentes et de M. de Turenne, et que vous ne puissiez comprendre ce que tout ceci deviendra, en vérité vous êtes comme nous, et ce n’est point du tout que vous soyez en province.

M. de Barillon soupa hier ici : on ne parla que de M. de Turenne ; il en est très-véritablement affligé. Il nous contoit la solidité de ses vertus, combien il étoit vrai, combien il aimoit la vertu pour elle-même, combien par elle seule il se trouvoit récompensé, et puis finit par dire qu’on ne pouvoit pas l’aimer et être touché de son mérite, sans en être plus honnête homme. Sa société communiquoit une horreur pour la friponnerie et pour la duplicité, qui mettoit tous ses amis au-dessus des autres hommes : dans ce nombre il nomma fort le chevalier, qui étoit fort aimé et estimé de ce grand homme, et dont aussi il étoit adorateur. Bien des siècles n’en donneront pas un pareil : je ne trouve pas qu’on soit tout à fait aveugle en celui-ci, au moins les gens que je vois : je crois que c’est se vanter d’être en bonne compagnie.

Je viens de regarder mes dates : il est certain que je vous ai écrit le vendredi 16 ; je vous avois écrit le mercredi 14, et le lundi 12. Il faut que Pacolet ou la bénédiction de Montélimar ait porté très-diaboliquement cette lettre ; examinez ce prodige.

Mais parlons un peu de M. de Turenne ; c’est une honte de n’en pas dire un mot. Voici ce que me conta