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comme on m’a dit que la poste va passer à Ingrande[1], je vais y laisser cette lettre en chemin faisant. Je me porte très-bien : il ne me faudroit qu’un peu de causerie. Je vous écrirai de Nantes, comme vous le pouvez croire. Je suis impatiente de savoir de vos nouvelles, et de l’armée de M. de Luxembourg : cela me tient fort au cœur ; il y a neuf jours que j’ai ma tête dans ce sac.

L’histoire des Croisades est très-belle, surtout pour ceux qui ont lu le Tasse, et qui revoient leurs vieux amis en prose et en histoire ; mais je suis servante du style du jésuite. La Vie d’Origène est divine[2]. Adieu, ma très-chère, très-aimable et très-parfaitement aimée ; vous êtes ma chère enfant. J’embrasse le matou[3].


1675

447. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.

À Nantes, vendredi 20e septembre.

J’ai justement reçu ici, ma très-chère, la lettre où vous me croyez une vagabonde sur le bord de l’Océan : peut-on rien voir de plus juste que vos supputations ? Je vous ai écrit sur la route, et même du bateau, autant que je l’ai pu. J’arrivai ici à neuf heures du soir, au pied de ce

  1. Sur la rive droite de la Loire, entre Angers et Nantes.
  2. L’Histoire de Tertullien et d’Origène est l’œuvre de trois écrivains de Port-Royal : Tillemont, le Tourneux et du Fossé. Elle fut publiée à Paris, en 1675, par ce dernier seul, sous le nom du sieur de la Mothe. Voyez le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome III, p. 529.
  3. On a vu, p. 110 de la Notice, le comte de Grignan désigné ainsi dans un vaudeville.