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1675peut-on faire pour vous ? Saluez très-respectueusement Monsieur l’Archevêque pour moi ; je lui souhaite une bonne santé, pour le bonheur de sa famille et de ses amis. M. d’Harouys vous fait un million de compliments.

Nous lisons ici les gazettes ; j’avois trouvé fort plaisant l’endroit que vous y avez remarqué. M. de Mont-Gaillard[1] fut tué, il y a cinq ou six jours, par un frère de Tonquedec[2] : ils étoient mal ensemble. Mont-Gaillard se jeta sur lui comme un furieux, et lui donna des coups de cette canne dont il s’étoit déjà si bien servi avec son lieutenant. Pont-Gand tire son épée, et lui en donne au travers du corps, et le jette mort : cette scène s’est passée en basse Bretagne, où est M. de Chaulnes[3]. Vous serez bien instruite des nouvelles de Bretagne : ma pauvre enfant, vous me faites pitié de lire mes lettres, et je me fais pitié aussi de vous écrire de si grandes misères.

J’étois en peine ce matin de mon fils ; mais j’ai vu dans toutes les nouvelles que M. de Luxembourg prend le chemin de garder la Flandre[4]. Vous aurez trouvé la capitulation de Trèves bien infâme : le maréchal est bien heureux de n’avoir été que lié et donné prisonnier aux ennemis[5]. Cette armée des confédérés va joindre les Impériaux ; mais nous sommes assurés que Monsieur le

  1. Voyez plus haut, p. 27, note 48.
  2. Silvestre de Quengo, baron du Pont-Gand, frère puîné de René de Quengo, comte de Tonquedec.
  3. « En basse Bretagne, dans une petite ville où est M. de Chaulnes. » (Édition de 1754.)
  4. La Gazette du 21 septembre annonce que depuis quelque temps le duc de Luxembourg suit constamment de près le prince d’Orange et le duc de Villa-Hermosa.
  5. Le maréchal de Créquy, après avoir défendu Trèves pendant un mois.avec toute la valeur possible, fut ftit prisonnier de guerre par la trahison d’un capitaine de cavalerie, nommé Boisjourdan, qui souleva contre M. de Créquy toute la garnison, et sortit de la place pour aller dresser avec les assiégeants les articles de la capitulation, à l’insu du maréchal. Boisjourdan, voulant se sauver dans le pays ennemi, fut arrêté,’et eut la tête tranchée à Metz (le 2 octobre 1675, après avoir fait amende honorable à la tête des troupes, la torche au poing et la corde au cou). (Note de Perrin, 1754.) — On peut voir dans la Gazette du 21 septembre, p. 689, les conditions de cette honteuse capitulation.