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freuse, plus folle et plus impertinente que jamais : son goût pour moi me déshonore :
Je jure sur ce fer[1]
de n’y contribuer d’aucune douceur, d’aucune amitié, d’aucune approbation ; je lui dis des rudesses abominables ; mais j’ai le malheur qu’elle tourne tout en raillerie : vous devez en être persuadée après le soufflet[2] dont l’histoire a pensé faire mourir de rire Pomenars. Elle est donc toujours autour de moi ; mais elle fait la grosse besogne ; je ne m’en incommode point ; la voilà qui me coupe des serviettes. J’ai trouvé ces bois d’une beauté et d’une tristesse extraordinaires : tous les arbres que vous avez vus petits sont devenus grands et droits et beaux en perfection ; ils sont élagués, et font une ombre agréable ; ils ont quarante ou cinquante pieds de hauteur. Il y a un petit air d’amour maternel dans ce détail ; songez que je les ai tous plantés, et que je les ai vus, comme disoit M. de Montbazon, pas plus grands que cela[3]. C’est ici une solitude faite exprès pour y bien rêver ; vous en feriez bien votre profit, et je n’en use pas mal : si les pensées n’y sont pas tout à fait noires, elles y sont tout au moins gris brun ; j’y pense à vous à tout moment : je vous regrette, je vous souhaite : votre santé, vos affaires, votre
  1. Lettre 450. — C’est encore un souvenir du Thésée de Quinault (acte V, scène IV). Le héros tirant son épée, dont la vue va le faire reconnaître par son père Égée, s’écrie :
    Je jure sur ce fer, qui m’a comblé de gloire,
    Que je vous servirai contre vos ennemis.
  2. Voyez tome II, p. 294 et 295.
  3. M. de Montbazon l’avoit dit de ses propres enfants. (Note de Perrin.) — Voyez tome II, p. 336, et sur les naïvetés du duc de Montbazon, Tallemant des Réaux, tome IV, p. 471 et suivantes.