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1675conta ce qu’elle souffre, dont elle me parle[1] comme étant la seule personne qui puisse comprendre sa peine.

Voici donc, ma bonne, des nouvelles de la cour de Danemark ; je n’en sais point de celle de France ; mais pour celles de Copenhague, elles ne vous manqueront pas. Vous saurez que cette princesse de la Trémouille est donc favorite du Roi et de la Reine, qui est sa cousine germaine. Il y a un prince, frère du Roi[2], fort joli, fort galant, que nous avons vu en France, qui est passionné de la princesse, et la princesse pourroit peut-être sentir quelque disposition à ne le haïr pas ; mais il se trouve un favori qui est tout-puissant, qui s’appelle M. le comte de Kingtstogtimklltel[3], vous entendez bien.

  1. C’est le texte du manuscrit et de l’édition de Rouen (1726), ainsi que de la première de Perrin (1734) ; dans sa seconde, le chevalier a ainsi modifié la phrase : « elle me conta ce qu’elle souffre de son absence, et m’en parla, etc. »
  2. Ici le texte de Perrin est conforme à celui de notre copie. On lit dans les éditions de 1726 : « un prince du sang du Roi. » — Deux lignes plus bas, il y a dans le manuscrit « paroît peut-être, » au lieu de « pourroit peut-être. »
  3. Nous avons suivi le texte du manuscrit ; dans les diverses éditions le nom est plus impossible encore : Kinghstoghmkstsel (Rouen), Kinghstoghmklfell (Perrin). L’impression de la Haye (1726) donne dans le texte K***, et rejette dans une note cette plaisanterie de Mme de Sévigné. — Pierre Schuhmaker, plus tard comte de Griffenfeld, fils d’un marchand de vin de Copenhague, se distingua dans l’étude du droit. Le roi Frédéric III lui confia la rédaction de la loi royale, base du droit public danois. Avant de mourir, le Roi le chargea de remettre son testament à Christiern V, son successeur. Ce nouveau roi lui conféra le titre de comte, l’appela dans son conseil privé, le décora de l’ordre de l’Éléphant, et le revêtit de la dignité de grand chancelier. L’empereur Léopold le créa comte du Saint-Empire. Son amour pour Mlle de la Trémouille fit qu’il refusa la main de la princesse Louise-Charlotte, fille du duc de Holstein-Augustenbourg. En 1676, Griffenfeld, arrêté chez le Roi (voyez la lettre du 15 mai 1676), et convaincu d’intelligences coupables avec la France et de correspondance secrète avec Louis XIV, fut con-