Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 229 —
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

1675Je trouve, ma très-chère, que je vous réponds assez souvent par avance, comme Trivelin[1], et sur ma santé, et sur M. de Vins : vous n’attendez point trois semaines. La réflexion est admirable, qu’avec toutes nos admirations de nos lettres que nous recevons du trois à l’onzième (c’est neuf jours), il nous faut pourtant trois semaines avant que de dire : « Je me porte bien, à votre service. »

Vous êtes étonnée que j’aie un petit chien ; voici l’aventure. J’appelois, par contenance, une chienne courante d’une madame qui demeure au bout de ce parc. Mme de Tarente me dit : Quoi ! vous savez appeler un chien ? Je veux vous en envoyer un le plus joli du monde. Je la remerciai, et lui dis la résolution que j’avois prise de ne me plus engager dans ces sortes d’attachements[2]. Cela se passe, on n’y pense plus. Deux jours après je vois entrer un valet de chambre avec une petite maison de chien, toute pleine de rubans, et sortir de cette jolie maison un petit chien tout parfumé, d’une beauté extraordinaire, des oreilles, des soies, une haleine douce, petit comme Sylphide, blondin comme un blondin ; jamais je ne fus plus étonnée, et plus embarrassée. Je voulois le renvoyer, on ne voulut jamais le reporter : c’étoit une femme de chambre qui en avoit soin, qui en a pensé mourir de douleur. C’est Marie qui l’aime ; il couche dans sa maison, dans la chambre de Beaulieu ; il ne mange que du pain. Je ne m’y attache point, mais il commence à m’aimer ; je crains de succomber. Voilà l’histoire, que je vous prie de ne point mander à Marphise[3] à Paris ; car

  1. Voyez tome III, p. 511, et ci-dessus, p. 32 et 33.
  2. « De ne me plus engager dans cette sottise. » (Éditions de 1734 et de 1754.)
  3. Petite chienne que Mme de Sévigné avoit laissée à Paris. (Note du méme.)