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les autres. Surtout je suis assommée des grandes nouvelles de l’Europe. Tenez, en voilà de traverse que m’envoie Mme de Lavardin[1].

Je voudrois que le Coadjuteur eût montré cette lettre que j’ai de vous[2] à Mme de Fontevrault ; vous n’en savez pas le prix : vous écrivez comme un ange ; je lis vos lettres avec admiration ; cela marche, vous arrivez. Vous souvient-il, ma fille, de ce menuet que vous dansiez, si bien, où vous arriviez si heureusement, et de ces autres créatures qui n’arrivoient que le lendemain ? Nous appelions ce que vous faisiez et feu Madame, gagner pays. Vos lettres sont tout de même.

Pour votre pauvre petit frater, je ne sais où il s’est fourré ; il y a trois semaines qu’il ne m’a écrit : il ne m’avoit point parlé de cette promenade sur la Meuse ; tout le monde le croit ici : il est vrai que sa fortune est triste. Je ne vois point comme toute cette charge se pourra emmancher, à moins que Lauzun[3] ne prenne le guidon en payement, et quelque supplément que nous tâcherons de trouver ; car d’acheter l’enseigne à pur et à plein, et que le guidon nous demeure sur les bras, ce. n’est pas une chose possible. Vous raisonnez fort juste

  1. Cette phrase ne se trouve que dans l’édition de 1734 ; Perrin l’a omise dans celle de 1754. A-t-il supprimé, dans les deux, le morceau que ces mots semblent promettre, ou bien Mme de Sévigné avait-elle envoyé à sa fille la lettre même de Mme de Lavardin ?
  2. Le Coadjuteur l’avait communiquée à Mme de Sévigné, ainsi qu’on l’a vu à la fin de la lettre du 20 novembre précédent, p. 244. — L’édition de 1754 a ici un tout autre texte : « Je comprends que le Coadjuteur ait montré à Mme de Fontevrault cette lettre qu’il a reçue de vous ; vous n’en savez, etc. »
  3. Voyez la lettre du 30 octobre précédent, p. 208.— Il paraît que d’abord on avait appelé proprement guidon, le drapeau ou étendard, l’officier qui le portait, et la compagnie même, dans la gendarmerie ou grosse cavalerie ; cornette, dans la cavalerie légère et enseigne dans l’infanterie ; mais ces termes, surtout le dernier, étaient loin d’avoir gardé un sens aussi exact et aussi restreint ; ainsi le titre d’enseigne s’employait aussi pour les gardes du corps et les mousquetaires.