Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 287 —


———
1675
vous et à tout ce qui vous touche. J’avois dans la tête que vous m’aviez promis de me mander des nouvelles de votre noce, et je pense que c’est cela que j’attendois ; mais c’eût été un excès d’honnêteté, car selon toutes les règles, c’est à moi à recommencer. J’ai été fort aise[1] que vous ayez approuvé mon petit conte : j’ai aussi trouvé admirable celui de Mme d’Heudicourt. Pour moi, je ne trouve point qu’il les faille entièrement bannir, quand ils sont courts et tout pleins de sel comme ceux que vous faites ; car assurément personne ne peut atteindre à vos tons et à votre manière de conter : nous l’avons souvent dit, la belle Madelonne et moi. Mais parlons d’autre chose.

Vous ne voulez plus qu’on vous appelle comte ; et pourquoi, mon cher cousin ? Ce n’est point mon avis. Je n’ai encore vu personne qui se soit trouvé déshonoré de ce titre. Les comtes de Saint-Aignan, de Sault, du Lude, de Grignan, de Fiesque, de Brancas, et mille autres, l’ont porté sans chagrin. Il n’a point été profané comme celui de marquis. Quand un homme veut usurper un titre, ce n’est point celui de comte, c’est celui de marquis, qui est tellement gâté qu’en vérité je pardonne à ceux qui l’ont abandonné. Mais pour comte, quand on l’est comme vous, je ne comprends point du tout qu’on le veuille supprimer. Le nom de Bussy est assez commun, celui de comte le distingue, et le rend le vôtre où l’on est accou-

  1. Ce commencement de la lettre est remplacé, dans le manuscrit de l’Institut, par l’alinéa suivant : « J’arrivai hier (la lettre est datée du 27e, corrigé en 23e, octobre) ici, et on me vient d’apporter votre lettre, du 19e de ce mois. Je partis de Bretagne trois jours après que je vous eus écrit. Je ne sais encore aucunes nouvelles, sinon que le Roi a été saigné, et qu’il a un peu de fièvre : Dieu lui renvoie sa santé ! Je suis fort aise, etc. » Voyez, au sujet de la date, et de ce début, qui ne peut appartenir à notre lettre du 20 décembre, Walckenaer, tome V, p. 456. — Louis XIV avait été saigné le 10 octobre, comme on le voit dans le Journal de la santé du Roi, p. 126.