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1675Nous avons si bien aliéné, et vendu, et tracassé, que je crois que nous donnerons nos trois millions : nous serons si sots que nous prendrons la Rochelle[1]. C’est un vieux conte que vous appliquerez. Nous avons fait les mêmes libéralités qu’à l’ordinaire ; on a même sauvé M. d’Harouys des abîmes que l’on craignoit pour lui. On a frondé si rudement contre Monsieur de Saint-Malo, que son neveu[2] s’est trouvé obligé de se battre contre un gentilhomme de basse Bretagne.

Adieu, ma très-chère enfant : la confiance que vous avez que j’aime passionnément vos grandes lettres, m’oblige sensiblement, et me fait voir que vous êtes juste. Je vous remercie de me les souhaiter, comme la plus aimable chose que je puisse recevoir, et vous devez aussi me plaindre quand je suis privée de cette consolation par les retardements de la poste.

Dimanche.

Je quittai hier cette lettre pour Mme de Chaulnes, pour M. de Rohan et pour la petite personne : ils soupèrent ici, et sont partis ce matin pour Laval, et tout droit à Paris. Il me semble que M. de Rohan est assez aise d’être avec la petite. Mme de Chaulnes m’a fort conté les affaires des états : je l’ai fait convenir que Monsieur de Saint-Malo avoit été ridicule avec son bal ; elle me paroît la mort au cœur de toutes ces troupes, et M. de Chaulnes, qui est demeuré à Rennes, très-embarrassé de M. de Pomme-

  1. Allusion à une chanson du règne de Louis XIII, sur le deuxième siège de la Rochelle. Le cardinal de Richelieu fit décider le siège de la Rochelle contre l’avis des courtisans, qui craignaient que le succès de cette entreprise ne rendît le Cardinal trop puissant. « Vous verrez, disait Bassompierre, que nous serons assez fous pour prendre la Rochelle. » (Anecdotes françoises, p. 577.) Voyez les Mémoires de Bussy, tome II, p. 211.
  2. Guémadeuc. (Note de Perrin.)