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1675
lade je ne vois plus où aboutira cette maladie que vous m’êtes obligée ! Mais vraiment, ma mignonne, je me dédis de Mme-de Langeron : elle est plus affligée que jamais ; elle est comme une ombre autour de Madame la Duchesse ; mais elle ne parle plus ; ce n’est plus une femme qui entende ni qui réponde :

Sortez, Ombres, sortez[1] !


Elle pleure sans cesse ; elle s’est fait une écorchure aux yeux, qui la rend méconnoissable : je reprends ce que je vous en avois dit.

Monsieur le Duc est ici pour un jour[2] ; il ira rejoindre Monsieur son père, qui va doucement avec quatre ou cinq mille hommes : il a pris ce temps pour voir le Roi et Madame la Duchesse. Mme de Langeron pensa hier mourir en le revoyant. Je suis comme vous, je ne comprends point bien l’amour de profession. L’été, il n’y a qu’à l’Opéra où Mars et Vénus s’accordent si bien ensemble[3]. Voilà les premiers actes de l’opéra[4] : quand

  1. La VIIe scène du IIIe acte du Thésée de Quinault commence par ce vers :
    Sortez, Ombres, sortez de la nuit éternelle ;
    et la IIe scène du IVe acte de l’Alceste, par celui-ci :
    Sortez, Ombres, faites-moi place.
  2. « Le 7 août le duc d’Enghien,’revenant de Flandre, vint saluer le Roi (à Versailles) et recevoir ses ordres particuliers. » (Gazette du 10 août.) Il repartit le 9, pour aller se mettre à la tête de l’armée d’Allemagne, tandis que le prince de Condé continuait sa marche pour s’y rendre de son côté.
  3. L’édition de la Haye a ici un texte tout différent et passablement étrange : « L’été, il n’y a que l’Opéra ou Mars et jamais ils ne s’accordent bien ensemble. »
  4. Sans doute du Thésée de Quinault, mis en musique par Lulli, et qui, comme nous l’avons dit, fut représenté pour la première fois en 1675.