Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 355 —

1676Adieu, ma très-belle et très-aimable : je vous conjure tous de respecter, avec tremblement, ce qui s’appelle un rhumatisme ; il me semble que présentement je n’ai rien de plus important à vous recommander. Voici le frater qui peste contre vous depuis huit jours, de vous être opposée, à Paris, au remède de M. de l’Orme.

de charles de sévigné.

Si ma mère s’étoit abandonnée au régime de ce bonhomme, et qu’elle eût pris tous les mois de sa poudre, comme il le vouloit, elle ne seroit point tombée dans cette maladie, qui ne vient que d’une réplétion épouvantable d’humeurs ; mais c’étoit vouloir assassiner ma mère, que de lui conseiller d’en essayer une prise. Cependant ce remède si terrible, qui fait trembler en le nommant, qui est composé avec de l’antimoine, qui est une espèce d’émétique, purge beaucoup plus doucement qu’un verre d’eau de fontaine, ne donne pas la moindre tranchée, pas la moindre douleur, et ne fait autre effet[1] que de rendre la tête nette et légère, et capable de faire des vers, si on vouloit s’y appliquer. Il ne falloit pourtant pas en prendre : « Vous moquez-vous, mon frère, de vouloir faire prendre de l’antimoine à ma mère ? Il ne faut seulement que du régime, et prendre un petit bouillon de séné tous les mois : » voilà ce que vous disiez. Adieu, ma petite sœur ; je suis en colère quand je songe que nous aurions pu éviter cette maladie avec ce remède, qui nous rend si vite la santé, quoi que l’impatience de ma mère lui fasse dire. Ma mère s’écrie[2] : « Ô mes enfants, que vous êtes fous de croire qu’une maladie se

  1. « Et ne fait autre chose. » (Édition de 1784.)
  2. « Quelque chose que l’impatience de ma mère lui fasse dire. Elle s’écrie, etc. » (Ibidem.)