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peut-être Montlaur[1], frère du prince d’Harcourt, votre cousin germain : on n’en parle guère plus que d’un chien. La perte des ennemis a été grande ; de leur aveu, ils ont quatre mille hommes de tués ; nous n’en avons perdu que sept ou huit cents. Le duc de Sault, le chevalier de Grignan et leur cavalerie se sont distingués ; et les Anglois surtout ont fait des choses romanesques : enfin voilà un grand bonheur. On dit que Montecuculi, après avoir envoyé témoigner à M. de Lorges la douleur qu’il avoit de la perte d’un si grand capitaine[2], lui manda qu’il lui laisseroit repasser le Rhin, et qu’il ne vouloit point exposer sa réputation à la rage d’une armée furieuse, et à la valeur des jeunes François, à qui rien ne peut résister dans leur première impétuosité. En effet, le combat n’a point été général, et les troupes qui nous ont attaqués ont été défaites. Plusieurs courtisans, que je n’ose nommer par prudence[3], se sont

  1. César de Lorraine, comte de Montlaur, frère puîné du prince d’Harcourt. « Il est mort, dit la Gazette du 24 août, au cinquième jour de la blessure qu’il reçut d’un coup de canon qui lui cassa l’épaule gauche, le 27 du passé. » Voyez plus bas, p. 80, la lettre du 22 août. — Sur sa mère, son frère, et sa sœur la duchesse de Cadaval (morte l’année précédente), voyez tomes II, p. 88, note 12 ; I, p. 492, note 6 ; et II, p. 37, note 4. — Sur Vaubrun, voyez ci-dessus, p. 17, la note II de la lettre 425.
  2. « Un chirurgien français qui avait tout vu, lança son cheval à travers la plaine et vint apprendre au chef des troupes impériales l’effet de ce coup de canon qui lui donnait la victoire sans combat. On raconte que Montecuculi se recueillit un peu et qu’il dit gravement : « Il est mort aujourd’hui un homme qui faisait honneur à « l’homme. » (M. Rousset, Histoire de Louvois, tome II, p. 161.) Voici ce que dit la Gazette (p. 666) de la belle conduite des Anglais, dont il est parlé un peu plus haut : « Les Anglois et les Irlandois firent pourtant des choses extraordinaires, et chacun d’eux essaya, par une belle émulation, de se distinguer dans les bois et dans la plaine. »
  3. Entre autres, le prince de Marsillac. Voyez la lettre du 12 août suivant, p. 45 et 46.