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1676donc plus, je vous en conjure, et croyez qu’en quelque état que je sois et que j’aie été, votre souvenir et votre amitié font toute mon occupation. Je viens de recevoir une lettre du Cardinal : il m’assure qu’il se porte mieux ; c’est une santé qui m’est bien chère. J’ai reçu aussi mille civilités de tous les Grignans. Le chevalier avoit sujet d’espérer, après la bonne conversation qu’il avoit eue avec son maître.

Adieu, ma très-chère enfant : ne craignez point que je retombe ; je suis passée de l’excès de l’insolence, pour la santé, à l’excès de la timidité. Ce pauvre Lauzun ne vous fait-il pas grand’pitié de n’avoir plus à faire son trou[1] ? Ne croyez-vous pas bien qu’il se cassera la tête contre la muraille ? Je suis toujours contente des Essais de morale, et quand vous avez cru que le sentiment de certaines gens[2] me feroit changer, vous m’avez fait tort. La Manière de tenter Dieu nous presse un peu de faire pour notre salut ce que nous faisons souvent par amour-propre[3] . Corbinelli dit que nos amis sont jésuites en cet endroit[4]. Je trouve le Coadjuteur et vous admirables sur ce sujet : si vous faisiez vos dévotions tous les jours, vousJ

  1. « Il y avoit trois ans depuis qu’il travailloit à faire un trou et qu’il avoit fait une corde avec du linge la mieux faite du monde par où il étoit descendu la nuit à un endroit où c’étoit un miracle qu’il ne se fût pas cassé le cou. Il commençoit à faire un peu de jour. Il vit une porte ouverte ; il entra ; c’étoit un bûcher où une servante venoit querir du bois…. Saint-Mars vint ; on le remena en prison. » (Mémoires de Mademoiselle, tome IV, p. 379 et suivante ; voyez aussi p. 401 et suivante.)
  2. De son fils. Voyez les lettres du 12 janvier et du 2 février précédents, p. 336 et 353.
  3. Voyez dans le tome III des Essais de Nicole, le traité intitulé Des diverses Manières dont on tente Dieu, et particulièrement le chapitre v de ce traité.
  4. C’est le texte de l’édition de 1754 ; dans celle de 1734 il y a molinistes, au lieu de Jésuites.