Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/392

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1676Adieu, ma très-chère : le beau temps continue ; si je n’étois poule mouillée, je regretterois les Rochers ; mais puisque je crains le serein, et qu’il faudroit passer toutes les belles soirées dans ma chambre, les longs jours me feroient mourir d’ennui, et je m’en vais. Il faut une grande santé pour soutenir la solitude et la campagne ; quand je l’avois, je ne craignois rien, mais présentement je crains les vapeurs de la rate.

Je vous embrasse, ma très-chère, et le Comte. Je suis si lasse de cette chienne d’écriture que, sans que vous croiriez mes mains plus malades, je ne vous écrirois plus que je ne fusse guérie[1]. Cette longueur est toute propre à mortifier une créature, qui, comme vous savez, ne connoît quasi pas cette belle vertu de patience ; mais il faut bien se soumettre quand Dieu le veut. C’est bien employé, j’étois insolente : je reconnois de bonne foi que je ne suis pas la plus forte. Excusez, ma fille, si je parle toujours de moi et de ma maladie. Je vous promets qu’à Paris je serai de meilleure compagnie : c’est encore une de mes raisons d’y aller, pour désemplir un peu ma tête de mol et de mes maux passés ; les Rochers sont tout propres à les conserver dans la mémoire, quoiqu’il y fasse très-beau ; mais je veux espérer de vous voir quelque jour dans ce nido paterno[2].

  1. Ceci prouve que la lettre n’est pas tout entière de la main du petit secrétaire ; mais Mme de Sévigné ne nous dit pas à quel endroit elle a pris la plume.
  2. « Dans ce nid paternel. » Voyez, p. 269, la note 3 de la lettre du 11 décembre précédent ; p. 305, note 8 ; et la Notice, p. 37.