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1676
521. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CHARLES DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
À Paris, vendredi 10e avril.
de madame de sévigné.

Plus j’y pense, ma bonne, et plus je trouve que je ne veux point vous voir pour quinze jours. Si vous venez à Vichy ou à Bourbon, il faut que ce soit pour venir ici avec moi : nous y passerons le reste de l’été et l’automne ; vous me gouvernerez, vous me consolerez ; et M. de Grignan vous viendra voir cet hiver, et fera de vous à son tour tout ce qu’il trouvera à propos. Voilà comme l’on fait une visite à une mère que l’on aime, voilà le temps que l’on lui donne, voilà comme on la console d’avoir été bien malade, et d’avoir encore mille incommodités, et d’avoir perdu la jolie chimère de croire être immortelle[1] ; présentement elle commence à se douter de quelque chose, et se trouve humiliée jusqu’au point d’imaginer qu’elle pourroit bien passer un jour dans la barque comme les autres, et que Caron ne fait point de grâce. Enfin au lieu de ce voyage de Bretagne que vous aviez tant d’envie de faire, je vous propose et vous demande celui-ci.

Mon fils s’en va : j’en suis triste, et je sens cette séparation. On ne voit à Paris que des équipages qui partent : les cris sur la nécessité sont encore plus grands qu’à l’ordinaire ; mais il n’en demeurera aucun, non plus que les années passées. Le chevalier est parti sans vouloir me dire adieu ; il m’a épargné un serrement de cœur, car je

  1. LETTRE 521. — C’étoit la première maladie de Mme de Sévigné. (Note de Perrin.) Voyez la lettre à Bussy du 1er mars précédent, p. 371. — Cependant déjà en 1675 la santé de Mme de Sévigné s’était un peu altérée : voyez la lettre du 6 août 1675, p. 9.